Vous avez passé du temps sur le développement de vos photos. Beaucoup de temps. Avouez que ce serait dommage de les garder pour vous. Une photographie, cela se montre !
Aussi, nous avons pris l’habitude de soigner la prise de vue (jamais assez). Nous avons compris l’importance de peaufiner le développement (parfois trop). Mais avons-nous saisi que la sortie de notre photo est tout aussi importante ?
Je vous propose de découvrir comment traiter au mieux nos clichés pour les adapter au format de sortie, car vous allez voir que c’est la destination qui est la clé.
Quelle destination ?
On ne traite pas de la même façon une photographie si c’est pour la montrer sur un écran que si c’est pour l’imprimer. Le format de sortie va entraîner des gestes techniques, simples rassurez vous, mais primordiaux pour un résultat soigné.
Si vous avez déjà été confronté à l’impression d’un cliché, sans doute avez-vous rencontré une demande un peu particulière : que le document possède une résolution de 300 dpi. Pourquoi votre imprimeur a besoin de ça ?
Avec le numérique, un mot est entré dans le vocabulaire avec force : le pixel.
Qu’est-ce qu’un pixel ?
Sa définition peut se résumer à : Le pixel est l’unité de base permettant de mesurer la définition d’une image numérique matricielle.
Ce qu’il faut comprendre ?
Pour qu’une image numérique se forme, il faut remplir un cadre (la matrice) formé de x lignes et y colonnes avec des éléments unitaires, prenant une couleur ou un niveau de gris. Approchez-vous de n’importe quel écran et vous finirez par voir ces pixels… ou par perdre un oeil. Non, ne le faites pas. La définition des écrans est telle maintenant qu’il est devenu très difficile de voir le pixel. Pour preuve, voici une photo d’abord quasi à la taille 100% (un pixel de mon écran = 1 pixel de l’image). Et un détail de cette même photo à un niveau de zoom de 3200%. Voyez comment le soleil est formé par la grille des pixels.


Ce qui est important ?
Le pixel n’est pas lié à l’écran, à l’impression. Une photographie numérique de 1000 pixels sur 1000 pixels aura la même taille sur mon écran qu’un autre document de cette dimension. L’image est composée de ces pixels, et si l’on a de bons yeux, une loupe, on verra ces pixels.
Mais comment est représentée la couleur, le niveau de gris du pixel ?
Pour noter la couleur, on a utilisé le même principe que l’oeil humain. L’homme voit les couleurs grâce à des cônes (environ 3 à 4 millions par oeil) qui sont de trois types, ayant une sensibilité plus grande à certaines longueurs d’onde. Les cônes permettent de voir le bleu, le vert et le rouge. D’ailleurs, vous commencez sans doute à comprendre pourquoi certaines personnes sont daltoniennes. Ils ont une défaillance de ce système, où l’un des trois cônes va mal fonctionner, et donc voir les couleurs différemment de leurs congénères. Notez également par ce biais que les animaux voient donc différemment de nous.

Donc, pour voir une multitude de couleurs, on ne peut le faire qu’à partir de trois couleurs primaires, le rouge, le vert et le bleu. Vous allez entendre parler de RVB et plus souvent de RGB pour Red, Green, Blue.
Ce qui nous amène tout droit à l’espace colorimétrique et en quoi c’est important pour la sortie des photos.
Nous avons vu que les couleurs s’expriment à l’aide de trois couleurs primaires; le rouge, le vert et le bleu. L’homme peut voir une multitude de couleurs, plus que les appareils ne peuvent en reproduire. Il est donc essentiel de s’entendre sur un espace précis pour parler le même langage. C’est le rôle des espaces colorimétrique comme le sRGB, l’Adobe RGB et le ProPhoto.

Pur faire simple, le sRGB c’est l’espace qui contient le moins de couleurs, mais qui a le mérite d’être le plus sûr, le plus commun aux différents écrans et périphériques de sortie. L’Adobe RGB 98, créé en 1998, tient compte des progrès des périphériques et élargit l’espace colorimétrique. Enfin, le ProPhoto lui est le plus large.
Lequel utiliser ?
Vous vous souvenez, j’ai parlé de la destination. Ici, on va parler de l’origine. J’écris l’article pour les photographes qui veulent obtenir la meilleure sortie de leurs clichés. Soit vous travaillez en RAW, soit vous travaillez en JPEG. Si vous êtes en JPEG, votre appareil devrait vous permettre de choisir entre l’espace sRGB et l’espace Adobe RGB. Si vous êtes en RAW, votre logiciel de développement devrait être en espace ProPhoto 16 bits pour garder le plus possible d’informations.
Car dites-vous que tout cela peut rester un peu étrange pour vous, mais que selon le vieil adage «qui peut le plus peut le moins», si vous partez de l’espace le plus large, vous conservez le maximum d’information pour le jour où vous ne serez pas obligé de réduire par le goulot d’étranglement le plus étroit, l’espace sRGB en JPEG.
Prenons par exemple le cas de Lightroom. Le logiciel d’Adobe réduit au maximum la gestion des couleurs et c’est tant mieux. Il récupère votre photo au format raw et l’affiche dans l’espace ProPhoto. Si il ne peut récupérer que du JPEG, il ouvrira avec le profil incorporé par l’appareil photo, soit du sRGB, le plus souvent, soit du Adobe RGB.
Ce n’est qu’au moment de l’exportation qu’il faudra lui indiquer le format définitif, sachant que cela va dépendre de la destination.

Si la destination c’est le web, le sRGB suffira, car la plupart des écrans ne peuvent pas afficher plus que le sRGB.
Si la destination c’est l’impression, il faut parler un peu de calibrage, de profil ICC et d’épreuvage-écran.
C’est quoi encore tout ça ?
Pas de panique, c’est complexe, mais pas sorcier.
Le profil ICC c’est comme l’espace colorimétrique, mais avec en plus les caractéristiques de votre périphérique de sortie, c’est-à-dire ses défauts. Aussi bien qu’il n’y a aucun oeil humain semblable à un autre, chaque imprimante sera différente et interprétera différemment les valeurs rvb de notre document. Si je dis R:255, V:0 et B:0 j’ai le rouge pur de mon espace colorimétrique, par exemple le RGB. Mais sur mon imprimante, ces valeurs peuvent tendre vers un rouge plus ou moins saturé, plus ou moins lumineux, peuvent se teinter d’une autre couleur. Le profil ICC est là pour tenir compte de ces différences par rapport à la norme, l’espace colorimétrique.
L’épreuvage-écran, c’est la possibilité pour un logiciel de vous montrer à quoi pourrait ressembler votre photographie sur le périphérique de sortie. Il émule en quelque sorte le rendu de sortie, grâce au profil ICC. Ce ne sera jamais aussi fidèle, car le rendu écran ne peut correspondre au rendu papier, mais on s’en rapproche. Par ce moyen, on peut même voir les parties de la photographie ou les couleurs ne sont pas «imprimables». Cela ne veut bien entendu pas dire que les couleurs ne seront pas imprimées à ces endroits, mais que des couleurs approchantes seront utilisées.

Le calibrage, c’est modifier le réglage en sortie d’usine de votre écran, et après quelques jours d’utilisation pour le rendre le plus fidèle aux couleurs d’origine, celles que vous avez voulu capter. Au déballage, les écrans sont le plus souvent trop lumineux (c’est plus vendeur), plus contrastés (c’est plus vendeur) et ont une balance des blancs qui tend vers le bleu, vers les couleurs froides.
Je ne vais pas évoquer le calibrage de façon matérielle, mais insister sur ce point, car c’est vraiment primordial. En effet, vous passez beaucoup de temps pour développer votre photo, mais vous le faites peut-être sur un écran qui n’a rien de fidèle à la réalité.
Ett si on rajoute toute la chaîne de production, c’est encore plus problématique:
– On capture nos photos sur notre appareil. Nous avons déjà un premier espace colorimétrique. En RAW, on peut choisir cet espace plus tard, sans détruire l’original. En JPEG, si on capture dans le profil sGRB, on perdra les couleurs présents en Adobe RGB et non présent en sRGB.
– On développe sous Lightroom ou logiciel équivalent pour obtenir la photographie qui nous semble la meilleure à nos yeux, oui, mais voilà, nous le faisons sur un écran le plus souvent non calibré. C’est un peu comme si on pense écrire en français, mais que l’on écrit dans une autre langue sans s’en rendre compte.
– On exporte sous un format qui sera lisible par notre sortie. En JPEG pour le web, en sRGB, car c’est bien suffisant du fait de la qualité des écrans. En ce que demande l’imprimeur, car il faut évoquer rapidement, mais désormais plus sereinement la différence entre la synthèse additive et la synthèse soustractive.
L’écran de votre ordinateur ou le capteur de votre appareil photo travaille avec une synthèse additive. C’est l’addition des couleurs primaires, Rouge, Vert et Bleu qui donne le blanc. On part du noir, on ajoute de la lumière.
Pour les imprimantes, on travaille en synthèse soustractive. La feuille est blanche, on enlève de la lumière pour obtenir du noir quand on a filtré par les trois couleurs primaires qui sont Cyan, Magenta et Jaune. Il faut aussi rajouter de l’encre noire, car la soustraction des trois couleurs ne permet pas un noir profond.

Forcément, avec une telle différence, le rendu écran et impression ne sera pas le même.
Nous avons donc un espace colorimétrique sur l’appareil photo, un profil ICC sur notre écran, un autre profil ICC sur l’imprimante, et aucune calibration dans la majeure partie du temps. Je pense que vous comprenez mieux maintenant pourquoi il y a autant de différence entre ce que vous avez vu, capturé, développé et imprimé.
Bon, il est temps de conclure par la promesse du début d’article. Les PPP ou DPI.
On confond souvent la définition d’une photographie, les dimensions en pixels, largeur sur hauteur avec la résolution. Nous parlons de résolution d’écran par exemple. Lorsque notre écran fait 1920 par 1080 c’est sa dimension pas sa résolution. La résolution c’est le nombre de points que l’on va afficher par pouce. 1 pouce c’est environ 2,54 cm. On entend souvent que la résolution de nos images pour l’internet doit être de 72 ppp, 72 points par pouce. Mais cette résolution n’a de l’importance que lorsque l’on veut imprimer notre photo.
Faites le test, enregistrer votre photo de 4000×3000 en 1 ppp ou 72 ppp, votre document restera d’une définition de 4000×3000, son poids ne changera pas. Car vous savez désormais comment on obtient le poids d’un document JPEG à qualité 100% dans le profil sRGB. On a besoin de trois valeurs de 0 à 255 pour gérer le RGB. Donc 4000×3000 cela fait 12 M de pixel, mais j’ai besoin de 3 fois ces valeurs pour le RGB, donc 12 x 3 = 36 M de pixels. La résolution ne rentre pas en compte dans ce calcul.
Par contre, pour l’impression, la finesse va dépendre de combien on met de points par pouce. Les imprimeurs demandent en général au moins 300 ppp. Plus il y a de points par pouce, meilleure est la résolution d’une image. Les détails seront plus fins.

Reprenons notre image de coucher de soleil. Elle fait 4097 x 2304 pixels. Comme nous allons placer 300 pixels par pouce, cela veut dire que la largeur imprimée sera de 4097 / 300 x 2,54 soit 34,69 cm et la hauteur de 2304 / 300 x 2,54 soit 19,51 cm. A la résolution de 300 ppp on peut imprimer la photographie sans perte de qualité sur une surface de 34,69 cm x 19,51 cm.
Pour en savoir plus sur le sujet, le site de référence: le guide de la gestion des couleurs par Arnaud Frich